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(Texte paru dans le Franc-Montagnard en 1999, «Le coin du patois»)

Les gaubes:
Noël, Nouvel-An sont à la porte, mais combien sommes-nous encore a en apprécier les valeurs? De fêtes religieuses et familiales, nous n’en causons plus guère, tout a basculé pour devenir des fêtes de ripailles, d’argent mal utilisé. Tout nous y engage, la radio, la télévision, les journaux, les réclames dont nos boîtes aux lettres sont remplies tous les jours. Les fêtes aux senteurs de tresses, de pain d’épices, de jambon-choucroute ont fait place aux fêtes de cadeaux et de folles dépenses! Même la neige s’est mise de la partie pour ôter la magnificence des fêtes: elle se fait plus rare d’année en année. Est-elle fâchée de ne plus avoir la quote des réjouissances hivernales? Il ne sert à rien de rallumer la chandelle des souvenirs?
Pour se mettre le cœur en joie, portons-nous en pensée chez les bourgeois du Petit communal du Bémont. Voilà des gens qui ont gardé, malgré les chamboulements des ans, une coutume ou plutôt un droit «de bois crû et à croître» dénommé «les gaubes», droit qui date de 1670. Dans les archives de la commune du Bémont, est conservé un acte signé des sœurs Simonin. Soucieuses et étonnées par les grandes coupes de bois abattues dans l’endroit pour les fonderies d’Undervelier principalement, ces dames octroyèrent environ 26 hectares de terres forestières aux descendants de leurs familles.
Les forêts furent sauvées, comme quoi la sauvegarde du patrimoine et de la nature ne date pas d’aujourd’hui! Ce droit se résume à peu d’obligations pour les ayants droit mais leur rapporte un beau cadeau de fin d’année.
Pour être bourgeois du Petit Communal, il faut être descendant d’anciennes familles du lieu, demeurer dans la commune depuis huit mois, et y payer ses impôts.
Chaque année, une coupe de bois est abattue dans la forêt héritée des dames Simonin et vendue, au prix du jour, à un scieur. Le produit de la vente est partagé le soir de la saint-Sylvestre. Tous les bourgeois reçoivent la même somme d’argent, fût-il né le 31 décembre de l’année. Les gaubes varient d’une année à l’autre, ceci relève du marché du bois, mais aussi du nombre de bourgeois. Les familles sont moins nombreuses ces dernières années. Les ménages de huit, neuf enfants ne sont plus qu’un vieux souvenir!
Les gaubes mettaient «du beurre sur les épinards» en fin d’année. Sans subsides ni allocations aux grandes familles, dans le temps, cet argent égait reçu comme un beau cadeau de Noël. Un soir «des gaubes», Colas, père de sept enfants, tournait comme une toupie dans sa cuisine. L’heure de l’assemblée approchait, la sage-femme arrivée depuis deux heures n’était toujours pas sortie de la chambre. Par instant, on entendait des plaintes. «Mon Dieu, priait Colas de toutes ses forces, sainte Vierge Marie», dans la détresse, tous les saints passaient sur ses lèvres: dépêchez-vous de délivrer ma femme… garçon ou fille, peu importe, mais avant minuit!» Dans un éclair, il décide de partir pour l’assemblée, de donner un nom pour recevoir une gaube de plus.
Siméon, Amélie? Quel supplice! Ouvrant la porte de la salle communale, sans trembler il hurle: «C’est un garçon». Il s’appelle Siméon. Lorsqu’il rentre à la maison, sa femme fatiguée mais heureuse lui annonce: «Encore un garçon». Quelle chance, vous voyez je ne suis pas un menteur. Siméon est là! Je souhaite à tous les lecteurs de mes petits écrits une heureuse fête de Noël, une année 2000 pleine de bonheur.
La Coccinelle